INTERVIEW. Barack Obama s’exprimera ce vendredi sur l’affaire Snowden et les tensions diplomatiques grandissantes avec la Russie.
Les relations entre la Russie et les Etats-Unis se sont tendues un peu plus ces derniers jours sur fond d’affaire Snowden. Le président Obama a annulé sa venue au sommet de Moscou en septembre. Il doit donner une conférence de presse à ce sujet vendredi. Mais l’affaire Snowden est loin d’être la seule raison de ce coup de froid entre Russes et Américains. Barack Obama et Vladimir Poutine jouent aussi un jeu de dupe pour satisfaire leur propre camp intérieur. Telle est l’analyse de François Durpaire, historien spécialiste des Etats-Unis.
Snowden est-il vraiment la cause de l’annulation du sommet Etats-Unis Russie par Obama ?
François Durpaire. Comme disait Wahrol : " Tout le monde aura son quart d’heure de gloire." Snowden ne fait pas exception mais croire qu’avec ses petites mains il a permis d’annuler une réunion au sommet entre deux puissances.... Non. L’affaire Snowden est plus un révélateur qu’un déclencheur. Elle est plus la conséquence que la cause des mauvaises relations entre les Etats-Unis et la Russie. Lors de la précédente rencontre entre Obama et Poutine le 17 juin en Irlande, l’ambiance était déjà glaciale. Et c’était bien avant Snowden.
Alors pourquoi cette décision d’Obama ?
Comme souvent, cette décision résulte pour 80% de politique intérieure et pour 20% de politique étrangère. La classe politique des deux pays, Etats-Unis et Russie, est toujours marquée par la Guerre froide. Obama a répété deux fois le terme de "Cold war mentality" et "cold war thinking" à l’égard des Russes. Le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham a appelé au boycott des jeux de Sotchi ce qui rappelle les Jeux de Moscou en 1980. Or, Obama a besoin des Républicains pour voter certaines lois. Et même dans le camp démocrate, le sénateur de l’Etat de New York Chuck Schumer a parlé d’un coup de poignard dans le dos au sujet de l’affaire Snowden.
Snowden n’a donc été que la goutte qui a fait déborder le vase ?
Un vase qui était déjà plein avec cinq autres dossiers : 1. l’affaire Magnitsky, cet avocat russe mort de mauvais traitements en Russie (NDLR : les Etats-Unis ont réagi en refusant des visas à des officiels russes en conséquence de quoi, la Russie a interrompu les procédures d’adoption d’enfants russes par des Américains), 2. le dossier Syrien, 3. la question des droits de l’homme et notamment celui des homosexuels (Treize Etats américains reconnaissant désormais le mariage gay), 4. la question de la prolifération des missiles, 5. les accords commerciaux. Les Etats-Unis reprochent à la Russie de ne pas respecter les règles de l’OMC.
Pourquoi réemployer ce terme de Guerre froide ?
Obama a parlé de Guerre froide mais n’a pas non plus crié au scandale. Il a dit qu’il était déçu ("disappointed"). Il n’y a pas de Guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie. Sinon il n’y aurait justement pas eu d’annulation du sommet. Un autre sommet, le G20 aura bien lieu à Saint-Petersbourg début septembre. Pour les Etats-Unis, ce n’est pas la Russie, mais la Chine le vrai géant.